vendredi 19 avril 2013

En vous inspirant d’Exercices de style de Raymond Queneau, et à partir de cet extrait du texte Je me souviens de Valérie : « Je me souviens. C’est bien. Tes cheveux blond vénitien. Ton regard bleu aryen. Ton humour restreint. Ton esprit manichéen. Ton rire enfantin. Ton lit plein d’acariens. », réécrivez un texte en vers libres, un texte avec onomatopées, et un texte plein d’hésitations.





Par Golem

Chalp ! Chalp ! Font les ciseaux.
Vlan ! Les boucles touchent le sol.
Snif ! Snif ! Tu pleures.
Plaf ! Les larmes mouillent tes chaussures.
Hi ! Hi ! Hi ! Tu ris aux éclats en regardant la course Olé ! Olé ! des acariens.
Heu... Tes cheveux étaient-ils bruns ou blonds, longs ou courts ? Mais avais-tu des cheveux ?
Je crois que mes yeux se reflétaient et brillaient sur ton crâne nu.
N’avais-tu pas la larme à l’œil chaque fois qu’un jet d’insecticide mettait fin à la vie d’un acarien ?


Par Krysia



D’après la poésie de  Valérie



Je me souviens de tes cheveux blond vénitien

Ton regard bleu aryen

Ton humour restreint

Ton esprit manichéen

Ton rire enfantin

Ton lit plein d’acariens





Revisiter, chambouler, libre :



J’ai écrit pour me souvenir

De tes cheveux bleutés, gélifiés aériens,

Ton regard d’enfant sauvage sans règle

Ton humour vénitien à deux balles

Ton esprit restreint de blonde

Ton rire manichéen au timbre cassé

Ton lit servant de trampoline à tes acariens

Sans cet écrit, je t’aurais déjà oublié !



Sous forme de question :



Tes cheveux étaient-ils blonds ou bruns ?

Ton regard hagard, fuyard me convenait-il ?

De l’humour, en avais-tu vraiment ?

Esprit es-tu là ?

Tu ris de joie ou par bêtise ?

Tu veux lire dans ton lit, sur ton lit ou sous ton lit ?

As-tu pris ton livre ?



Avec des onomatopées :



Meeeuuhh tes cheveux ne sont pas blond vénitien !

Tes toc toc aériens ou quoi ?

Oooh mes tes yeux sont d’un bleu ecchymose

Ton humour, vroum vroum s’est fait la malle !

Hou, hou, hou ! Esprit apparaît !

Zut ! Tu vas rire, ça va m’écœurer, berk !

Pouet ! J’ai explosé entre mes ongles un acarien !

Pouet ! Encore un autre !

Ben zut alors, je serais seul cette nuit dans mon lit !



Sous forme d’hésitation :



Tes cheveux étaient-ils blonds ou blancs ?

Parce que ça me rappellerait ton âge 

Je ne sais plus si tes yeux étaient bleus ou marrons

Un de chaque peut-être ?

Je crois que tu avais de l’humour.

Enfin, un humour restreint !

A moins que tu n’en avais pas et que je confonde !

Je ne me souviens plus si tu avais de l’esprit 

Sans doute que oui puisqu’il me semble t’entendre rire.

A moins que ce ne soit moi qui me moque de toi 

J’aimais ton lit, je crois 

Je pouvais discuter avec tes acariens plus intelligents que toi, me semble-t-il !


Par Laurence

Je me souviens de tes cheveux hirsutes noirs de jais
Un regard qui part on ne sait où
Un humour à la con
Un machiavélisme tout blanc ou tout noir
Un rire de Fou de Bassan
Un lit de volupté sans acariens où la belle s’est réveillée dans les bras de la bête.


Ai-je rencontré un jour des cheveux vénitiens ?
Ai-je croisé des yeux bleu berlinois ?
Ai-je pleuré de son humour limité ?
Ai-je pensé comme Manichéen, excuse-moi : comme Machiavel ?
Ai-je ri de lui comme un enfant ?
Ai-je aimé dans un lit non aseptisé ?


Je me souviens de tes cheveux blond vénitien
Ding, deng, dong
Ton regard, aïe, aïe, aïe, bleu aryen.
Ha, Ha, Ha, de ton humour restreint.
Heum, de ton esprit manichéen.
De ton rire enfantin. Hi, hi, hi !
Beurk, beurk, beurk de ton lit plein d’acariens.


Tes cheveux étaient-ils noir jais ? Non. Peut-être blonds vénitien ? Pas du tout. Rouge écureuil, alors ? Bref, je ne m’en souviens plus très bien et peut-être était-ce une perruque.
Ton regard bleu azur ? Non. Trop clair. Bleu cobalt ? Ce n’est pas encore cela. Ah horreur ! Bleu aryen...
Et cet humour était-il noir ? Non. Plutôt grisé. J’ai du mal à m’en souvenir. Peut-être n’en avait-il pas. J’hésite, je suis dans le brouillard.
Son esprit était-il seulement là ? Je ne crois pas. A bien y réfléchir peut-être n’avait-il même pas de cerveau.
Quant au rire, franc, certainement pas. Peut-être bien futile…
Le lit par contre, taché de petites choses, de la confiture ? Non. Du miel ? Pas du tout. Ça y est, j’ai trouvé ! C’étaient des acariens.


Par Simone

Je me souviens !
Ton encolure alezane
Regard clair profond
Un véritable clown
Allure lente ou galopante
Très facétieux
Ta litière remplie de vers


Puis-je me rappeler ta chevelure blonde presque blanche ?
Vais-je me rappeler, regard sombre, esprit pointu ?
Vais-je me souvenir, tu veux ou tu veux pas ?
Vais-je me rappeler de tes « Ah ah ah » ?
Ne vais-je pas oublier tes jouets dépareillés sous ton lit ?


Comment ne pas se souvenir hi hi hi de tes cheveux blonds ?
Et toc ! je vais me rappeler de tes grands yeux noirs. Hou la la j’m’en va m’souvenir de ton esprit hagard ? P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non.
Hi hi hi, je parle de ton rire aigu.
Mais bof, j’vais pas oublier tes jouets dépareillés, couic, étalés sous ton lit.


Je sais ou bien non, je ne sais, s’ils étaient vraiment blonds tes cheveux.
En y réfléchissant, t-ai-je idéalisé, euh, peut-être avais-tu un humour cinglant ou bien, un rire strident ?
Et tes jouets, était-ce la poupée qui était cassée sous ton lit, ou bien le nounours qui était groggy ?
D’ailleurs était-ce sous le lit ?
Je ne sais plus, je ne sais rien.
Peut-être ai-je imaginé tout ça.


Par Valérie

Un vénitien
Restreint
Invente un marsouin
Qui rit
Avec les acariens.


Laverais-je mes cheveux ?
Plutôt le lit ?
Peut-être l’esprit ?
Suggère-je un autre humour ?
Susurre-je de mettre des lunettes ?
Aimais-je les acariens ?


Ah ! Enfin, des cheveux blonds 
Oups ton humour restreint 
Miam miam des acariens
Lol ton rire enfantin
Yaouh ! Ton esprit ludique
Yaouh ! Ton lit qui grince


Des cheveux blonds ou platine ou oxygénés.
J’hésite...  peut-être blancs, jaunâtres.
Ton humour manichéen… Ça, je doute. Peut-être droit. Droit ou tordu.
Des acariens, des acariens, belles excuses, c’est pas des mites, des mites intelligentes et sournoises.
Tu peux rire, moi j’en pleurerais.
J’en pleurerais de rire.
Bleu pervenche ou bleu délavé, tes yeux, j’hésite toujours.


Ecrire un texte dont chaque phrase commencera par : Je me souviens.



Par Golem

Je me souviens du parfum des fleurs de jasmin dont les enfants faisaient des colliers qu’ils nous offraient chaque matin.
Je me souviens de la pesée des passagers et de leurs bagages pour ne pas excéder le poids maximum permettant le décollage de l’avion.
Je me souviens, dans l’avion, de chaque arbre qui venait à notre rencontre et la peur au ventre à chaque fois qu’un nouvel arbre approchait.
Je me souviens de cette arrivée à N’Djamena en plein coup d’Etat et cette haie de militaires, mitraillette  à la hanche, qui nous surveillait jusqu’au hall de l’aéroport.
Je me souviens de cette île volcanique sans le moindre lichen, sans le moindre insecte, seulement le silence et la désolation.
Je me souviens de cet enfant croisé sur un marché, ahuri de voir un monsieur « un Noir, un vrai, pas comme à la télé ».
Je me souviens quand je discutais avec le concierge de l’hôtel tandis que tu te faufilais discrètement jusqu’à l’escalier.
Je me souviens de mon fils toujours très attentif quand je me faisais un masque et qui a refusé mon offre de lui en faire un en disant : « Non, je ne veux pas me salir ».
Je me souviens, mon fils s’était fait gronder par la nourrice qui lui a dit : « Tu le raconteras à ta mère ». Il est venu, à pied (4 km) à mon travail et a ramassé toutes sortes de « cadeaux » pour moi dans les poubelles.
Je me souviens de ces bons moments, allongée sur un rocher, un livre entre les mains, avec le bruit des vagues qui se brisaient dans le silence.


Par Krysia 

J’avais le temps

Je me souviens d’un apéro chez Marie-Ange où je me suis emmerdée en regardant les autres boire et participer à des jeux débiles, vieux de Mathusalem. J’ai fini par exécrer les petits fours de ma vie banale.
J’ai le temps de faire d’autres fêtes, mais la prochaine fois…

Je me souviens d’un enfant qui m’appelait « Maman ». Peut-être l’ai-je mis au monde un jour, il y a longtemps. Qui suis-je pour lui maintenant qu’il est grand ? Si je le revoyais, me souviendrais-je avec qui je l’ai fait ?
J’ai le temps de le retrouver, mais à notre prochaine rencontre…

Je me souviens de mon plus grand rêve : faire le tour du monde en vingt étapes pour mes vingt ans. J’ai fait tourner vingt fois le globe terrestre de mon bureau, chaque fois de plus en plus vite.
J’ai le temps de réfléchir dans quel pays…

Je me souviens d’un bouchon aux heures de pointe. Je suffoquais dans le gaz carbonique alors que d’immenses prairies commençaient à quelques mètres de moi. J’ai laissé ma voiture et j’ai ri du concerto de klaxons qui a suivi.
J’ai le temps de la récupérer plus tard, pourrie comme elle est…

Je me souviens d’un concert de musique classique. J’avais écouté le Boléro de Ravel, les Quatre saisons de Vivaldi, la Truite de Schubert, Eine kleine Nachtmusik de Mozart, les Rhapsodies hongroises de Liszt, la Lettre à Elise de Beethoven.
J’ai le temps d’imiter leurs préludes et leurs sonates, apprendre d’abord le solfège…

Je me souviens d’une promenade dans la campagne, à l’aube d’une journée d’été. La rosée mouillait mes bottes, les lapins fuyaient dans leur terrier, les oiseaux… Chut ! Ecoutez-les chanter !
J’ai le temps de revenir, l’été ne fait que commencer…

Je me souviens d’un concours de poésie. J’avais présenté deux textes. Tous deux ont été récompensés d’un diplôme. On m’avait dit que j’avais une jolie couleur d’écriture, de continuer, de publier. C’est une bonne idée.
J’ai le temps mais pas l’envie en ce moment, plus tard…

Je me souviens d’un galant que je me suis empressée d’éconduire, me sentant trop jeune. Il était beau, jeune et riche mais avait une longue moustache affreuse qu’on aurait dite recourbée aux bigoudis.
J’ai le temps de trouver mieux, je ne manque pas d’atouts…

Je me souviens d’avoir glissé sur une peau de banane. Je me suis retrouvée les quatre fers en l’air avant d’aller à l’hôpital. Ce fut un défilé de ma famille proche et éloignée, une veillée larmoyante. Quelle bande d’hypocrites !
Si j’avais eu le temps, je leur aurais dit ma façon de penser !

Je me souviens que je parlais ainsi quand j’étais vivante. Je croyais simplement que j’avais le temps.


Par Laurence

A la plus belle des étoiles


Je me souviens du jour merveilleux de ta naissance un 18 janvier, il y a 17 ans, les mots n’existent pas pour dire la joie, pour décrire le bonheur que tu m’as donné ce jour-là.


Je me souviens t’avoir appris les baisers : papillon, esquimau, lapin, requin… tes éclats de rire et tes encore, encore… Que reste-t-il de ces baisers ?


Je me souviens de la « moumie » que tu me montrais d’un doigt délicat et de tes cris d’effroi devant une araignée qui avait aussi peur que toi. Aujourd’hui, tu ne fais plus attention aux fourmis et tu fais la guerre aux araignées.


Je me souviens de tes jeux sur une plage avec des enfants mauriciens. Petite princesse blonde aux grands yeux bleus, tu étais leur idole et ils te regardaient comme une icône.


Je me souviens de ton premier chagrin d’enfant, tes larmes lorsque tu as déposé un bouquet de muguet à ta grand-maman dans le jardin des morts. Depuis je reconnais l’ombre qui vient voiler tes jolis yeux lorsque nous parlons d’elle.


Je me souviens de la vie infernale que tu faisais mener à Scapin, le déguisant ou le promenant dans une poussette. Après avoir été ton compagnon de jeux, ton petit chien est le témoin de tes larmes aujourd’hui.


Je me souviens du jour où, du haut de tes 8 ans, tu as décrété que désormais, ce serait jeans et converses, les robes et les Start-rite resteraient dans l’armoire. Il est vrai que je jouais un peu à la poupée et que je te rêvais en « petite fille modèle ».


Je me souviens que la nature t’avait dotée des dents du bonheur. Pour ressembler à tes amis, tu as voulu un sourire comme les autres et les dents du bonheur s’en sont allées. Dommage, un peu de toi est resté sur le fauteuil d’un dentiste.


Je me souviens de ta première compétition, d’une chute épouvantable qui t’avait laissée sans souffle et m’avait fait hurler de peur. Obstinée  et courageuse, tu as recommencé. J’ai compris ce jour-là ta passion.


Je me souviens avoir eu le cœur serré le jour de ta première cigarette. Le sentiment d’avoir raté quelque chose, peut-être cherchais-tu l’indépendance sans savoir que la dépendance vient très vite. Sauras-tu un jour couper le cordon ombilical… avec la cigarette !


Je me souviens que ma vie s’est arrêtée un jour de 2011 lorsque dans les couloirs d’un tribunal, tu m’as crié : « je t’aime, maman ». Si tu savais combien j’ai mesuré le mal que je te faisais. Je me souviens de tout ce que nous ne vivons pas ensemble depuis et ta douleur quotidienne.


Je me souviens du jour où tu es montée sur la 1ère marche du podium dans un championnat régional et avoir pleuré tout à la fois de joie et de désespoir, bonheur de ta réussite, désespérance de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras, te dire combien j’étais fière de toi ma jolie cavalière.

 
Je me souviens qu’au fond de la nuit, un ami m’a offert cette très belle phrase de Shakespeare : «  Il n’est ci longue nuit qui n’atteigne l’aurore » « pensez à l’aurore ». Aujourd’hui, mon cœur, je te l’offre à mon tour et n’oublie pas : « pense à l’aurore ».

Ta Maman 





De par le monde



Je me souviens des mendiants tendant la main à l’entrée du marché de Port-Louis. Des années plus tard, ils auront disparus. Leur vue a été épargnée aux yeux aseptisés des touristes.


Je me souviens des terres rouges à perdre de vue et des plages de sable blanc de Madagascar mais plus encore du regard brillant d’attention et de joie des enfants dans une petite école de brousse.


Je me souviens des eaux chaudes du Sultanat d’Oman, y avoir nagé parmi les poissons multicolores et joué avec les tortues marines. La plénitude de la plongée en apnée qui donne le sentiment d’appartenir au monde du silence.


Je me souviens, non pas des ors et de la magnificence de Venise, mais de la saveur incomparables des légumes provenant de Sant’Erasmo et du goût inimitable du Bellini au Harry’s bar, plus encore les maisons de Burano toutes colorées, pour mieux se défendre des attaques du brouillard.


Je me souviens aux pieds des pyramides de  Gizeh avoir pensé que l’homme est infiniment petit. Avoir eu une pensée pour Bonaparte, effectivement, il avait raison, 40 siècles d’histoire me contemplaient.


Je me souviens, un matin d’hiver de la lumière si particulière à l’embouchure de la Neva et de St Petersburg habillé de blanc. Des femmes faisant la queue devant une épicerie, où seules quelques jarres aux couleurs étranges garnissaient les rayons. La transition vers l’économie de marché restait difficile pour la Russie. Depuis, elle a bien rattrapé son retard.


Je me souviens avoir détesté l’idée de visiter Barcelone, puis avoir succombé aux mosaïques psychédéliques de Gaudi et être émerveillée par la folie architecturale de la Sagrada Familia, splendide cathédrale inachevée. Sera-t-elle un jour terminée ?


Je me souviens avoir rêvé, à Bruges, un jour d’automne le long des canaux de la Venise du Nord, et être tombée en amour pour Hans Memling, vieux monsieur de plus de 500 ans dont les tableaux magnifiques sont à jamais gravés dans ma mémoire.


Je me souviens avoir pleuré à Prague, bouleversée par la beauté du Pont Charles de noir vêtu surplombant la Vlatva. Prague après une longue nuit s’éveillait de nouveau au monde. Qu’est-elle devenue aujourd’hui ?


Je me souviens, sur les toits du Caire, le linge se bat avec le vent, les pigeons dansent et des enfants sages font leurs devoirs allongés sur des tapis. Dans cette révolution qui n’en finit pas y a-t-il encore des enfants sages ?


Je me souviens avoir goûté les sels de la Mer Morte en Jordanie, de ce bédouin devant présenter son passeport à l’un des nombreux postes de contrôle militaire aux abords de la frontière israélienne. Est-ce qu’un jour cette partie du monde connaîtra la paix ?


Je me souviens avoir été hypnotisée à Rome par la Pietà dans la maison de Pierre… l’œuvre sans doute la plus achevée du sculpteur. Ce marbre blanc si parfait, si lisse, si poli, de toute beauté qui accrochait la lumière de façon sublime. Merci Michelangelo pour tant d’émotion.


Je me souviens de tout, chaque image, chaque visage, chaque odeur, chaque paysage. Tous ces souvenirs qui aujourd’hui encore, me permettent juste en fermant les yeux… de M’EVADER.



Par Simone 
Souvenirs en vrac

Je me souviens…
J’avais quatre ou cinq ans ans. Dans la cuisine trônait ma grand-mère. Une grand-mère de 38 ans ; longs cheveux noirs, regard d’ébène ; je la trouvais si belle, ma grand-mère ! « Dis mémé, qu’est-ce qu’on fait ? Je m’ennuie. » Pensive, elle me regarde longuement et me dit : « Eh bien, tape-toi le derrière par terre jusqu’à ce qu’il fasse des étincelles …»

Je me souviens… 
Avec ma meilleure amie, nous avions 17 ans, l’envie folle d’avoir un cheval, et chacune, quelques économies. C’est décidé : nous allions vivre notre rêve, acheter une jument… Nous arrivons, accueillies par un paysan à la mine bourrue :
« Que voulez-vous ?
- Une jolie jument ».
A ces mots, galopades effrénées, ruades multiples, arrive toute une bande de chevaux. Au crépuscule, la vue de ces magnifiques équidés nous laisse sans voix, béates d’émerveillement. Une magnifique alezane s’approche de nous et nous regarde de ses grands yeux doux qui dansent dans sa robe emplie de soleil. Majestueuse, grand coup de langue, elle nous a choisies.

Je me souviens…
Aux Maldives, ces îles paradisiaques, me voilà sur une autre planète. Je nage paisiblement et tout à coup, j’aperçois au-dessus de moi trois raies Manta évoluant elles aussi tranquillement. Quelle osmose, quel bonheur, ce moment magique, avec ces superbes créatures !

Je me souviens…
C’est la fête des mères ; ma fille a six ans ; elle me tend un papier bleu. Ses yeux sont remplis d’étoiles, sa petite bouche est pleine de rires. Elle a écrit : « Maman, mon petit cœur t’aime, comme une sirène aime la mer. »
Moment magique, inoubliable !

Je me souviens…
Un vacarme effroyable, une angoisse incompréhensible, des soubresauts à tout va, une sirène hurlante, des individus me prévoyant une vie d’enfer !
J’arrive, il est 22h, que vais-je devenir, dans cette nouvelle vie ?

Je me souviens…
Nous étions en voiture, en route vers l’Italie ; ma grand-mère assise près de mon grand-père qui conduisait de main de maître dans une chaleur suffocante :
« Dis pépé, tu veux que je t’épouvante ? » Surprise, ma grand-mère se retourne, me regarde tendrement et me dit : « Non, ma petite fille, on dit « éventer », par « épouvanter ».
Encore aujourd’hui, sa voix résonne à mon oreille.

Je me souviens…
J’avais 12 ans, nous dormions dans la même chambre avec mes deux frères de 4 et 6 ans. Chaque soir, ma mère nous racontait une histoire. Tout à coup, mon petit frère de 4 ans dit à ma mère : « Tu sais, maman, les petites filles, c’est pas comme nous ; j’ai vu quand elles font pipi : c’est tout rond, avec un trait au milieu ». Ma mère et moi, nous nous regardons. Grand silence. Gros éclats de rire.


Je me souviens…
L’amitié de deux chevaux.
Il est 12h, l’écurie se vide, le palefrenier distribue le foin.
A mon grand étonnement, un joli cheval noir prend une partie de son foin, tend sa belle encolure, un gros paquet de foin dans la bouche et, délicatement, le donne à la jument voisine, sa copine. Je surveille le manège et reviens chaque soir pour constater le même phénomène.
Quel bel exemple nous donne-t-il !

Je me souviens…
J’avais 10 ans. Mes grands-parents m’emmenèrent à Pompéi. Quel spectacle étrange, grandiose. On marche sur d’énormes pierres blanches. On viole des ruines, lorsque j’aperçois un petit corps tout blanc, un petit enfant rattrapé par la lave du volcan brûlant.
2 000 ans plus tard, quel souvenir inoubliable et terrifiant !

Je me souviens…
Mon meilleur ami emmène ma fille de 7 ans à la fête foraine. Coup de sonnette, les voilà rentrés. Ma fille porte consciencieusement un petit poisson nageant dans un minuscule sachet. Etonnée, je lui dis :
« Que veux-tu que je fasse de ton poisson ? »
Elle : « Tu as bien un cheval toi, pourquoi moi, j’aurais pas un poisson ? »
Que répondre à une telle évidence ?


Par Shinez

Je me souviens de ce premier regard hypnotique, déstabilisant, avec le beau charmant.
J’ai su que c’était lui, l’homme de ma vie, et il m’offre le plus beau rôle, celui de porter le fruit de notre amour.

Je me souviens de ma princesse qui m’annonce que je vais être grand-mère.
J’ai aimé ce bébé avant qu’il soit né et à le faire entre nous, c’est la passion, la fusion, elle m’éblouit, m’attendrit ; c’est l’amour de ma vie.

Je me souviens l’avoir accompagné sur le chemin vers l’au-delà,
Que nous nous sommes confiés, pardonnés et enfin, avoué notre amour dissimulé par la pudeur installée entre un père et sa fille.
Il est à jamais à mes côtés.


Par Valérie

Je me souviens de ce couloir blanc, au mois de septembre, douze ans. La juge s’approche de moi.
-          Notre verdict mon enfant, c’est de vous mettre en foyer…

Je me souviens de Bunny, ses yeux ronds, ses grandes oreilles aux aguets. C’est le baptême de ma cousine Nelly Oleson 2. Je regarde dans mon assiette. Au menu : civet de lapin. Je m’écrie : « Je ne mange pas les ailes. » Elle se met à rire. M’adressant à ma mère : « Non ! Je ne mange pas les ailes. »

Je me souviens, non, je me rappelle, non, je me remémore, non, je n’oublie pas, je n’occulte pas, oui, je me souviens de presque rien mais je m’en souviens.

Je me souviens d’un drame. Je m’avançais vers le bois comme tous les matins. J’ai entendu un crissement de pneus et là je me suis retournée vivement, c’était mon chien !

Je me souviens. Donc je suis le souvenir : vouloir retenir notre passé. Là, intervient le photographe, le dessinateur, le peintre, la mémoire. Et moi.

Je me souviens. C’est bien.
Tes cheveux blond vénitien.
Ton regard bleu aryen.
Ton humour restreint.
Ton esprit manichéen.
Ton rire enfantin.
Ton lit plein d’acariens.

Je me souviens de ce lit de soie, des pétales de rose éparpillés dessus, la robe de mariée de haute couture, les alliances dans leur écrin, le Pérignon dans son seau. J’entends le maître d’hôtel qui me dit : « C’est fini mademoiselle : il y a d’autres chambres à nettoyer. »

Je me souviens comme ce pilote qui jusque-là roulait à terre et décolle brusquement. Je m’élève lentement vers les hauteurs silencieuses du souvenir.

Je me souviens de cette porte franchie. Les gendarmes me rassurent en me disant que ça n’est pas si dur. Une peur terrible m’envahit. Il y avait quatre femmes dans la cellule, excitées à l’idée de me questionner toute la nuit. Moi, j’avais juste besoin d’une douche qui devenait inaccessible. C’est la prison !