« Bien qu’opposés de caractères
On pouvait les croire jumeaux
Tant leur histoire est singulière
Mais ces deux frères étaient rivaux »
De qui s’agit-il ?
Par Golem
Tous
deux sont nés un 29 février. Il était pressé. Elle aurait bien attendu le
lendemain pour ne pas se faire remarquer. Très vite, elle a compris qu’il y
avait lui et qu’il y avait elle. Pour lui, le sein et le bon lait
maternel ; pour elle, le lait de vache coupé d’eau dans le biberon coincé
par un oreiller. Pour lui, les vêtements neufs : il grandit tellement
vite ; pour elle, les pantalons trop larges ou trop courts, la mode s’en
arrangera bien.
A
l’école, il essaiera de l’égaliser, elle, la première en classe ; au sport,
elle n’arrivera jamais à le dépasser, lui, le costaud ; lui le premier en
piste, elle l’intello, la forte en thème.
Elle
lui passe en douce ses devoirs ; il lui glisse quelque confiseries données
par Maman.
Quand
arrive l’âge de l’orientation, pour lui, naturellement, un certificat d’études
primaires ; l’apprentissage et un métier au chantier naval : grand
espoir de la population rochelaise.
Pour
elle, après moult discussions, interventions du maire et de l’assistante
sociale, une bourse - heureusement, on n’a pas les moyens ! - une place au
collège. Seule condition, elle préparera quand même - tant pis pour le surcroît
de travail, - le certificat d’études. Comme lui. Il lui prête ses livres, elle
lui fait ses devoirs ; elle, la tête ; lui, les jambes : il
brille dans tous les sports physiques ; elle, dans les sports cérébraux.
Enfin
les examens. Ils partent ensemble. Au moment des résultats, on cherche celle
qui est la première du département ; bizarre, elle est candidat libre.
Quelques
instants plus tard, les explications fournies par l’ancienne maîtresse,
félicitations, encyclopédie. Lui aussi est reçu honorablement, tout va bien. A
lui la médaille autour du cou, à elle les diplômes sous le bras. Retour dans la
famille. Maman se précipite sur lui. Il est reçu. Hourra ! Elle le prend
par le bras, viens avec moi. A elle, elle n’a rien demandé. Ils reviennent tous
deux, lui poussant un beau vélo rouge. Le soir lui et elle se rient de tout ça.
Ils sont heureux l’un pour l’autre, elle pour lui.
Le
papa ouvrier au chantier naval a trouvé un vieux vélo de la dernière guerre
sans dynamo avec rétropédalage pour freiner, pneus pleins. Quelques feuilles de
toile émeri plus tard, un peu de peinture donnée par le chef au travail de
papa, elle aura un vélo vert, un peu marron, un peu bleu comme tous les navires
de la compagnie, reconnaissables dans le monde entier.
Mais
lui et elle ont chacun un vélo.
Par Krysia
Marionnettiste
Elles étaient opposées de caractère.
On pouvait les croire jumelles,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces sœurs étaient en querelle.
L’une écrivait et traitait la gauche,
D’être comme un pied, bien maladroite.
A cela elle répliquait : « Tu es moche,
Le salut de ta poigne était bien moite ! »
Jusqu’au bout de leurs ongles manucurés,
Elles s’avéraient être sosies.
Mais sur la gamme et le clavier,
Chacune de leur côté, s’articulaient avec autonomie.
Pour attiser leur médisance,
L’une attirait un diamant,
Et l’autre exposait son alliance,
Preuve d’un amour déterminant.
La droite actionnait le couteau ; pas la fourchette.
La gauche tenait le pain, mais ne le tranchait pas.
Elle tenait la main d’une amourette,
Quand l’opposée faisait courir bébé à petits pas.
Ainsi se faisaient-elles la guerre,
Tout en serrant les poings,
Jusqu’à ce que rouge de colère,
Elles se lâchent enfin :
« Tu pues la cigarette !
- Le bleu de tes veines est proéminent !
- Mangeuse de tartelettes !
- Tu t’entends, casse mines ?
- Faut toujours que tu touches à tout !
- Imitatrice sans imagination !
- Tu es sale, tu vires au noir de partout !
- Tu tremblotes par pulsion ! »
L’une se lève pour frapper,
L’autre se protège et contre-attaque.
Le 3ème membre se tend à une insanité,
L’affrontement se termine en claques.
Plus je tentais de les dompter,
Plus elles faisaient de cabrioles.
De rire elles me faisaient pleurer,
Mais je n’eus pas le droit à la parole.
Un jour qu’elles étaient endiablées,
Mes mains entrèrent en transe,
Comme des pantins disloqués.
Je saisis ma chance :
Amusée par leur talent d’humoriste,
Avec l’une et l’autre je m’applaudis.
Surprises mes marionnettistes,
En firent une vocation de vie.
Sur scène elles sont montées,
Et forment le parfait tandem :
Des meilleures ennemies jurées,
Qui s’abonnent à leur haine.
Leurs défoulements eurent tant de succès,
Que, main dans la main,
Elles saluent leur public enchanté,
En promettant un lendemain.
Désormais, toujours en duo,
Elles reçoivent compliments et caresses.
Et leur amour reste un fiasco,
Pour notre plus grande allégresse.
Par Laurence
Les frères ennemis
Tu
es le lumineux Je
suis l’obscur
Tu
es le vent Je
suis le feu
Tu
es le rire Je
suis les larmes
Tu
es le destin Je
suis la fatalité
Tu
es le bien Je
suis le mal
Tu
es le puissant Je
suis le soumis
Tu
es la force Je
suis la faiblesse
Tu
es la loyauté Je
suis la trahison
Tu
es l’immédiat Je
suis l’éternité
Tu
es l’imprévisible Je
suis l’attendu
Tu
es la liberté Je
suis la prison
Tu
es le principe Je
suis la fin
Tu
es l’alpha Je
suis l’oméga
A la
fois ami et ennemi
Nous
sommes indissociables
L’un
sans l’autre
Nous
n’existons pas
Toi
et Moi depuis la nuit des temps
Et
pour toujours
Nous
concrétisons la raison d’être
Au
commencement était le Verbe
A la
fin était encore le Verbe :
Vivre
et Mourir
Par Simone
Les Jumeaux
Ismaël
et Israël
Samson
et Goliath
Dupond
et Dupont
Hollande
et Sarkozy
Lesquels
nous intéressent le plus ?
Les
derniers peut-être, car ils sont plus proches de notre époque.
Sarkozy,
ce petit chef, toujours désireux de décider de tout. Sarkozy, toujours numéro
1, l’épée à la main.
Hollande,
calme, paisible, « pépère », devenu chef des armées.
Leur
similitude : une côte de popularité en hausse au début de leur
quinquennat, puis de plus en plus descendante.
Pour
l’un, comme pour l’autre, une réforme par-ci, une réforme par-là, l’envie de
plaire et de réussir. Mais ni l’un, ni l’autre n’a réussi…
Ceci
dit, à leur place, auriez-vous réussi ?...
Merci à Golem pour ce texte où la tendresse est plus forte que les différences,à Krysta et ses astucieuses marionnettes en vers rimés qui tiennent bien la distance, à Laurence pour ce très beau poème d'où le pathos est exclu mais pas la sensibilité et à Simone pour ce texte à l'humour un peu amer.
RépondreSupprimerSaki