Par Golem
Je me souviens du parfum des fleurs de jasmin dont les
enfants faisaient des colliers qu’ils nous offraient chaque matin.
Je me souviens de la pesée des passagers et de leurs bagages
pour ne pas excéder le poids maximum permettant le décollage de l’avion.
Je me souviens, dans l’avion, de chaque arbre qui venait à
notre rencontre et la peur au ventre à chaque fois qu’un nouvel arbre
approchait.
Je me souviens de cette arrivée à N’Djamena en plein coup
d’Etat et cette haie de militaires, mitraillette à la hanche, qui nous surveillait jusqu’au
hall de l’aéroport.
Je me souviens de cette île volcanique sans le moindre
lichen, sans le moindre insecte, seulement le silence et la désolation.
Je me souviens de cet enfant croisé sur un marché, ahuri de
voir un monsieur « un Noir, un vrai, pas comme à la télé ».
Je me souviens quand je discutais avec le concierge de
l’hôtel tandis que tu te faufilais discrètement jusqu’à l’escalier.
Je me souviens de mon fils toujours très attentif quand je
me faisais un masque et qui a refusé mon offre de lui en faire un en
disant : « Non, je ne veux pas me salir ».
Je me souviens, mon fils s’était fait gronder par la
nourrice qui lui a dit : « Tu le raconteras à ta mère ». Il est
venu, à pied (4 km) à mon travail et a ramassé toutes sortes de
« cadeaux » pour moi dans les poubelles.
Je me souviens de ces bons moments, allongée sur un rocher,
un livre entre les mains, avec le bruit des vagues qui se brisaient dans le
silence.
Par
Krysia
J’avais le temps
Je me souviens
d’un apéro chez Marie-Ange où je me suis emmerdée en regardant les autres boire
et participer à des jeux débiles, vieux de Mathusalem. J’ai fini par exécrer
les petits fours de ma vie banale.
J’ai le
temps de faire d’autres fêtes, mais la prochaine fois…
Je me
souviens d’un enfant qui m’appelait « Maman ». Peut-être l’ai-je mis au monde
un jour, il y a longtemps. Qui suis-je pour lui maintenant qu’il est grand ? Si
je le revoyais, me souviendrais-je avec qui je l’ai fait ?
J’ai le
temps de le retrouver, mais à notre prochaine rencontre…
Je me
souviens de mon plus grand rêve : faire le tour du monde en vingt étapes pour
mes vingt ans. J’ai fait tourner vingt fois le globe terrestre de mon bureau,
chaque fois de plus en plus vite.
J’ai le
temps de réfléchir dans quel pays…
Je me
souviens d’un bouchon aux heures de pointe. Je suffoquais dans le gaz
carbonique alors que d’immenses prairies commençaient à quelques mètres de moi.
J’ai laissé ma voiture et j’ai ri du concerto de klaxons qui a suivi.
J’ai le
temps de la récupérer plus tard, pourrie comme elle est…
Je me
souviens d’un concert de musique classique. J’avais écouté le Boléro de Ravel,
les Quatre saisons de Vivaldi, la Truite de Schubert, Eine kleine Nachtmusik de
Mozart, les Rhapsodies hongroises de Liszt, la Lettre à Elise de Beethoven.
J’ai le
temps d’imiter leurs préludes et leurs sonates, apprendre d’abord le solfège…
Je me
souviens d’une promenade dans la campagne, à l’aube d’une journée d’été. La
rosée mouillait mes bottes, les lapins fuyaient dans leur terrier, les oiseaux…
Chut ! Ecoutez-les chanter !
J’ai le
temps de revenir, l’été ne fait que commencer…
Je me
souviens d’un concours de poésie. J’avais présenté deux textes. Tous deux ont
été récompensés d’un diplôme. On m’avait dit que j’avais une jolie couleur
d’écriture, de continuer, de publier. C’est une bonne idée.
J’ai le
temps mais pas l’envie en ce moment, plus tard…
Je me
souviens d’un galant que je me suis empressée d’éconduire, me sentant trop
jeune. Il était beau, jeune et riche mais avait une longue moustache affreuse
qu’on aurait dite recourbée aux bigoudis.
J’ai le
temps de trouver mieux, je ne manque pas d’atouts…
Je me
souviens d’avoir glissé sur une peau de banane. Je me suis retrouvée les quatre
fers en l’air avant d’aller à l’hôpital. Ce fut un défilé de ma famille proche
et éloignée, une veillée larmoyante. Quelle bande d’hypocrites !
Si j’avais
eu le temps, je leur aurais dit ma façon de penser !
Je me
souviens que je parlais ainsi quand j’étais vivante. Je croyais simplement que
j’avais le temps.
Par Laurence
A la plus belle des étoiles
Je me souviens du jour merveilleux de ta
naissance un 18 janvier, il y a 17 ans, les mots n’existent pas pour dire la
joie, pour décrire le bonheur que tu m’as donné ce jour-là.
Je me souviens t’avoir appris les
baisers : papillon, esquimau, lapin, requin… tes éclats de rire et tes
encore, encore… Que reste-t-il de ces baisers ?
Je me souviens de la « moumie »
que tu me montrais d’un doigt délicat et de tes cris d’effroi devant une araignée
qui avait aussi peur que toi. Aujourd’hui, tu ne fais plus attention aux
fourmis et tu fais la guerre aux araignées.
Je me souviens de tes jeux sur une plage
avec des enfants mauriciens. Petite princesse blonde aux grands yeux bleus, tu
étais leur idole et ils te regardaient comme une icône.
Je me souviens de ton premier chagrin
d’enfant, tes larmes lorsque tu as déposé un bouquet de muguet à ta grand-maman
dans le jardin des morts. Depuis je reconnais l’ombre qui vient voiler tes jolis
yeux lorsque nous parlons d’elle.
Je me souviens de la vie infernale que tu
faisais mener à Scapin, le déguisant ou le promenant dans une poussette. Après
avoir été ton compagnon de jeux, ton petit chien est le témoin de tes larmes
aujourd’hui.
Je me souviens du jour où, du haut de tes 8
ans, tu as décrété que désormais, ce serait jeans et converses, les robes et
les Start-rite resteraient dans l’armoire. Il est vrai que je jouais un peu à
la poupée et que je te rêvais en « petite fille modèle ».
Je me souviens que la nature t’avait dotée
des dents du bonheur. Pour ressembler à tes amis, tu as voulu un sourire comme
les autres et les dents du bonheur s’en sont allées. Dommage, un peu de toi est
resté sur le fauteuil d’un dentiste.
Je me souviens de ta première compétition,
d’une chute épouvantable qui t’avait laissée sans souffle et m’avait fait
hurler de peur. Obstinée et courageuse,
tu as recommencé. J’ai compris ce jour-là ta passion.
Je me souviens avoir eu le cœur serré le
jour de ta première cigarette. Le sentiment d’avoir raté quelque chose,
peut-être cherchais-tu l’indépendance sans savoir que la dépendance vient très
vite. Sauras-tu un jour couper le cordon ombilical… avec la cigarette !
Je me souviens que ma vie s’est arrêtée un
jour de 2011 lorsque dans les couloirs d’un tribunal, tu m’as crié :
« je t’aime, maman ». Si tu savais combien j’ai mesuré le mal que je
te faisais. Je me souviens de tout ce que nous ne vivons pas ensemble depuis et
ta douleur quotidienne.
Je me souviens du jour où tu es montée sur
la 1ère marche du podium dans un championnat régional et avoir
pleuré tout à la fois de joie et de désespoir, bonheur de ta réussite,
désespérance de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras, te dire combien j’étais
fière de toi ma jolie cavalière.
Je me souviens qu’au fond de la nuit, un ami m’a
offert cette très belle phrase de Shakespeare : « Il n’est ci longue
nuit qui n’atteigne l’aurore » « pensez à l’aurore ». Aujourd’hui, mon cœur, je te l’offre à mon
tour et n’oublie pas : « pense à l’aurore ».
Ta Maman
Ta Maman
De par le monde
Je me souviens des mendiants tendant la
main à l’entrée du marché de Port-Louis. Des années plus tard, ils auront
disparus. Leur vue a été épargnée aux yeux aseptisés des touristes.
Je me souviens des terres rouges à perdre
de vue et des plages de sable blanc de Madagascar mais plus encore du regard
brillant d’attention et de joie des enfants dans une petite école de brousse.
Je me souviens des eaux chaudes du Sultanat
d’Oman, y avoir nagé parmi les poissons multicolores et joué avec les tortues
marines. La plénitude de la plongée en apnée qui donne le sentiment
d’appartenir au monde du silence.
Je me souviens, non pas des ors et de la
magnificence de Venise, mais de la saveur incomparables des légumes provenant
de Sant’Erasmo et du goût inimitable du Bellini au Harry’s bar, plus
encore les maisons de Burano toutes colorées, pour mieux se défendre des
attaques du brouillard.
Je me souviens aux pieds des pyramides
de Gizeh avoir pensé que l’homme est
infiniment petit. Avoir eu une pensée pour Bonaparte, effectivement, il avait
raison, 40 siècles d’histoire me contemplaient.
Je me souviens, un matin d’hiver de la
lumière si particulière à l’embouchure de la Neva et de St Petersburg habillé
de blanc. Des femmes faisant la queue devant une épicerie, où seules quelques
jarres aux couleurs étranges garnissaient les rayons. La transition vers
l’économie de marché restait difficile pour la Russie. Depuis, elle a bien
rattrapé son retard.
Je me souviens avoir détesté l’idée de
visiter Barcelone, puis avoir succombé aux mosaïques psychédéliques de Gaudi et
être émerveillée par la folie architecturale de la Sagrada Familia, splendide
cathédrale inachevée. Sera-t-elle un jour terminée ?
Je me souviens avoir rêvé, à Bruges, un
jour d’automne le long des canaux de la Venise du Nord, et être tombée en amour
pour Hans Memling, vieux monsieur de plus de 500 ans dont les tableaux
magnifiques sont à jamais gravés dans ma mémoire.
Je me souviens avoir pleuré à Prague,
bouleversée par la beauté du Pont Charles de noir vêtu surplombant la Vlatva.
Prague après une longue nuit s’éveillait de nouveau au monde. Qu’est-elle
devenue aujourd’hui ?
Je me souviens, sur les toits du Caire, le
linge se bat avec le vent, les pigeons dansent et des enfants sages font leurs
devoirs allongés sur des tapis. Dans cette révolution qui n’en finit pas y
a-t-il encore des enfants sages ?
Je me souviens avoir goûté les sels de la
Mer Morte en Jordanie, de ce bédouin devant présenter son passeport à l’un des
nombreux postes de contrôle militaire aux abords de la frontière israélienne. Est-ce
qu’un jour cette partie du monde connaîtra la paix ?
Je me souviens avoir été hypnotisée à Rome
par la Pietà dans la maison de Pierre… l’œuvre sans doute la plus achevée du
sculpteur. Ce marbre blanc si parfait, si lisse, si poli, de toute beauté qui
accrochait la lumière de façon sublime. Merci Michelangelo pour tant d’émotion.
Je me souviens de tout, chaque image, chaque
visage, chaque odeur, chaque paysage. Tous ces souvenirs qui aujourd’hui
encore, me permettent juste en fermant les yeux… de M’EVADER.
Par
Simone
Souvenirs en vrac
Je me souviens…
J’avais quatre ou cinq ans ans. Dans la cuisine trônait ma grand-mère.
Une grand-mère de 38 ans ; longs cheveux noirs, regard d’ébène ; je
la trouvais si belle, ma grand-mère ! « Dis mémé, qu’est-ce qu’on
fait ? Je m’ennuie. » Pensive, elle me regarde longuement et me dit :
« Eh bien, tape-toi le derrière par terre jusqu’à ce qu’il fasse des
étincelles …»
Je me souviens…
Avec ma meilleure amie, nous avions 17 ans, l’envie folle d’avoir un
cheval, et chacune, quelques économies. C’est décidé : nous allions vivre
notre rêve, acheter une jument… Nous arrivons, accueillies par un paysan à la
mine bourrue :
« Que voulez-vous ?
- Une jolie jument ».
A ces mots, galopades effrénées, ruades multiples, arrive toute une
bande de chevaux. Au crépuscule, la vue de ces magnifiques équidés nous laisse
sans voix, béates d’émerveillement. Une magnifique alezane s’approche de nous
et nous regarde de ses grands yeux doux qui dansent dans sa robe emplie de
soleil. Majestueuse, grand coup de langue, elle nous a choisies.
Je me souviens…
Aux Maldives, ces îles paradisiaques, me voilà sur une autre planète.
Je nage paisiblement et tout à coup, j’aperçois au-dessus de moi trois raies
Manta évoluant elles aussi tranquillement. Quelle osmose, quel bonheur, ce
moment magique, avec ces superbes créatures !
Je me souviens…
C’est la fête des mères ; ma fille a six ans ; elle me tend
un papier bleu. Ses yeux sont remplis d’étoiles, sa petite bouche est pleine de
rires. Elle a écrit : « Maman, mon petit cœur t’aime, comme une
sirène aime la mer. »
Moment magique, inoubliable !
Je me souviens…
Un vacarme effroyable, une angoisse incompréhensible, des soubresauts
à tout va, une sirène hurlante, des individus me prévoyant une vie
d’enfer !
J’arrive, il est 22h, que vais-je devenir, dans cette nouvelle
vie ?
Je me souviens…
Nous étions en voiture, en route vers l’Italie ; ma grand-mère
assise près de mon grand-père qui conduisait de main de maître dans une chaleur
suffocante :
« Dis pépé, tu veux que je t’épouvante ? » Surprise, ma
grand-mère se retourne, me regarde tendrement et me dit : « Non, ma
petite fille, on dit « éventer », par « épouvanter ».
Encore aujourd’hui, sa voix résonne à mon oreille.
Je me souviens…
J’avais 12 ans, nous dormions dans la même chambre avec mes deux
frères de 4 et 6 ans. Chaque soir, ma mère nous racontait une histoire. Tout à
coup, mon petit frère de 4 ans dit à ma mère : « Tu sais, maman, les
petites filles, c’est pas comme nous ; j’ai vu quand elles font
pipi : c’est tout rond, avec un trait au milieu ». Ma mère et moi,
nous nous regardons. Grand silence. Gros éclats de rire.
Je me souviens…
L’amitié de deux chevaux.
Il est 12h, l’écurie se vide, le palefrenier distribue le foin.
A mon grand étonnement, un joli cheval noir prend une partie de son
foin, tend sa belle encolure, un gros paquet de foin dans la bouche et,
délicatement, le donne à la jument voisine, sa copine. Je surveille le manège
et reviens chaque soir pour constater le même phénomène.
Quel bel exemple nous donne-t-il !
Je me souviens…
J’avais 10 ans. Mes grands-parents m’emmenèrent à Pompéi. Quel
spectacle étrange, grandiose. On marche sur d’énormes pierres blanches. On
viole des ruines, lorsque j’aperçois un petit corps tout blanc, un petit enfant
rattrapé par la lave du volcan brûlant.
2 000 ans plus tard, quel souvenir inoubliable et terrifiant !
Je me souviens…
Mon meilleur ami emmène ma fille de 7 ans à la fête foraine. Coup de
sonnette, les voilà rentrés. Ma fille porte consciencieusement un petit poisson
nageant dans un minuscule sachet. Etonnée, je lui dis :
« Que veux-tu que je fasse de ton poisson ? »
Elle : « Tu as bien un cheval toi, pourquoi moi, j’aurais
pas un poisson ? »
Que répondre à une telle évidence ?
Par
Shinez
Je me souviens de ce premier regard hypnotique, déstabilisant, avec le
beau charmant.
J’ai su que c’était lui, l’homme de ma vie, et il m’offre le plus beau
rôle, celui de porter le fruit de notre amour.
Je me souviens de ma princesse qui m’annonce que je vais être
grand-mère.
J’ai aimé ce bébé avant qu’il soit né et à le faire entre nous, c’est
la passion, la fusion, elle m’éblouit, m’attendrit ; c’est l’amour de ma
vie.
Je me souviens l’avoir accompagné sur le chemin vers l’au-delà,
Que nous nous sommes confiés, pardonnés et enfin, avoué notre amour
dissimulé par la pudeur installée entre un père et sa fille.
Il est à jamais à mes côtés.
Par
Valérie
Je me souviens de ce couloir blanc, au mois de septembre, douze ans.
La juge s’approche de moi.
-
Notre verdict mon enfant, c’est de vous mettre
en foyer…
Je me souviens de Bunny, ses yeux ronds, ses grandes oreilles aux
aguets. C’est le baptême de ma cousine Nelly Oleson 2. Je regarde dans mon
assiette. Au menu : civet de lapin. Je m’écrie : « Je ne mange
pas les ailes. » Elle se met à rire. M’adressant à ma mère :
« Non ! Je ne mange pas les ailes. »
Je me souviens, non, je me rappelle, non, je me remémore, non, je
n’oublie pas, je n’occulte pas, oui, je me souviens de presque rien mais je
m’en souviens.
Je me souviens d’un drame. Je m’avançais vers le bois comme tous les
matins. J’ai entendu un crissement de pneus et là je me suis retournée
vivement, c’était mon chien !
Je me souviens. Donc je suis le souvenir : vouloir retenir notre
passé. Là, intervient le photographe, le dessinateur, le peintre, la mémoire.
Et moi.
Je me souviens. C’est bien.
Tes cheveux blond vénitien.
Ton regard bleu aryen.
Ton humour restreint.
Ton esprit manichéen.
Ton rire enfantin.
Ton lit plein d’acariens.
Je me souviens de ce lit de soie, des pétales de rose éparpillés
dessus, la robe de mariée de haute couture, les alliances dans leur écrin, le
Pérignon dans son seau. J’entends le maître d’hôtel qui me dit :
« C’est fini mademoiselle : il y a d’autres chambres à
nettoyer. »
Je me souviens comme ce pilote qui jusque-là roulait à terre et
décolle brusquement. Je m’élève lentement vers les hauteurs silencieuses du
souvenir.
Je me souviens de cette porte franchie. Les gendarmes me rassurent en
me disant que ça n’est pas si dur. Une peur terrible m’envahit. Il y avait
quatre femmes dans la cellule, excitées à l’idée de me questionner toute la
nuit. Moi, j’avais juste besoin d’une douche qui devenait inaccessible. C’est
la prison !
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