Par Danièle
Il
pleuvait à verse et je me réfugiai sous un porche. Levant les yeux, je vis une
petite plaque dorée sur laquelle était gravé : «Rêves, Vente et Réparations ».
Très intriguée, j'appuyai sans réfléchir sur le bouton correspondant. Une voix
pleine d'entrain me répondit : « Je vous ouvre, c'est au quatrième, porte de
gauche ». N'osant pas faire demi-tour et terriblement curieuse, je pris l'ascenseur
et poussai le bouton N°4. A peine
arrivée à l'étage, une porte s'ouvrit sur un jeune enfant aux cheveux blonds
frisés : avec la lumière, on aurait pu croire à une auréole. Âgé au maximum de
14 ans, il était encore imberbe et avait des joues roses de bébé.
-
Bienvenue monsieur, quel problème vous amène ?
Prise de
cours, je m'inventai immédiatement un rôle de journaliste.
-Oh...aucun,
je suis ... journaliste. Pourriez-vous m'accorder une interview ? A vrai dire,
votre profession m'intrigue au plus haut point.
- Venez,
ne restez pas sur le palier, entrez donc.
Son
vestibule était ...aérien. Une légère brise venait effleurer mon visage et je
crus percevoir une odeur de ...nuage. Je suivis mon hôte qui me fit pénétrer
dans une petite pièce cotonneuse. Je m'assis dans un fauteuil moelleux et,
comme par miracle, tous mes soucis s'envolèrent. Je me sentis en sécurité.
- Voulez-vous une tisane au miel ? Cela
assouplit l'esprit.
- Bien volontiers, merci.
- Alors, vous venez voir à quoi ressemble un vendeur
et réparateur de rêves ?
- Oui...
Désolé si je vous froisse, mais je n'avais jamais entendu parler de votre
profession.
- En
fait, pour l'instant nous ne sommes pas encore très nombreux, mais c'est une
activité en plein essor car nombreux sont les gens qui souffrent d'insomnies ou
de cauchemars. Dans les deux cas, nous proposons des traitements. Si le patient
est un insomniaque, après avoir sondé sa personnalité et ses espérances, nous
lui fournirons un coffret de vingt rêves qui lui seront adaptés. Dans le
cas de cauchemars, nous allons les
réparer pour que les nuits redeviennent paisibles. J'allais oublier, il y a
aussi des individus qui viennent nous voir parce qu'ils n'ont pas de rêve. Au
fur et à mesure des entretiens, le patient apprendra à devenir autonome et
saura lui-même se fabriquer tout un monde onirique. Alors, son imaginaire sera
libéré et un sourire béat apparaîtra sur ses lèvres. De plus, nous offrons une
garantie satisfait ou remboursé pendant six mois. Parfois, il peut y avoir des
rechutes, mais globalement nous avons une réussite proche de 100%. Tenez, voici
notre catalogue. Vous pouvez observer la multitude de rêves que nous pouvons
vendre : sucrés, salés, en couleur ou monochrome, avec ou sans paysage, avec ou
sans individu...Dans tous les cas, nous avons un grand éventail de
propositions.
Je
sentis une douce tiédeur m’envahir ; était-ce le son de la voix de mon
interlocuteur ou sa fameuse tisane au miel ? Je suis reparti en le remerciant
pour son accueil. En sortant de l’immeuble, un magnifique arc-en-ciel
remplissait le ciel ; la pluie s’était arrêtée.
Par Saki
J’ai d’abord
trouvé quelques métiers originaux, mais qui existent pour de bon (pour la
commodité du projet, je les écris au masculin, mais il est bien évident que la
parité est de mise) :
Tourneur
de pages, encaisseur de droit de passage sur pirogue, agiteur d’éventail,
colleur de timbres …
Je
suis passée à des métiers plus modernes et plus abstraits : dépensier,
créateur d’événements, coordinateur de réflexions, appuyeur de projets, le rêve
commençait à naître.
J’ai
découvert des élargisseurs de point de vue, des donneurs de parole, des
simplificateurs de vie, puis le métier que je vais vous faire découvrir s’est
imposé.
Drôle
de genre
Ce
métier pourrait s’apparenter à celui de tailleur sur mesures ou d’accoucheur
(vous comprendrez plus loin pourquoi je ne dis pas sage-femme), ou de
réalisateur de rêve. Il nécessite une grande maturité, d’avoir roulé sa bosse,
expérimenté des situations inhabituelles et surtout de ne pas avoir de
préjugés.
Ceux
qui exercent cette profession risquent encore pendant longtemps d’être l’objet
d’ostracisme, assimilés à leur clientèle.
Le grec Tirésisas,
grâce à une intervention miraculeuse fut, il y a fort longtemps, le premier
bénéficiaire des services de ce qui n’était pas alors un métier.
Rappelez-vous son
histoire : tuant deux serpents qui s’accouplaient, il fut, en punition,
lui qui était indubitablement du sexe masculin, transformé en femme pour une
durée de sept ans, puis il réintégra sa peau masculine et tous ses attributs.
L’expérience lui
fut, paraît-il, très agréable à l’aller comme au retour.
Cette histoire de
transformation n’a été suivie d’aucune autre. De nos jours certains osent
exprimer à voix presque haute qu’ils ne se sentent pas bien dans leurs habits
de naissance et ne rêvent que de changer de sexe.
C’est en pensant à
ceux-là que quelqu’un, respectons son anonymat, se souvint donc du vieux
Tirésias et devint le premier « essayeur de genre ».
Chacun pouvait,
pour la durée de son envie, s’essayer au genre opposé avec réversibilité
garantie mais non obligatoire.
Le succès a été
quasiment immédiat, les pouvoirs publics s’en sont émus et ont fixé
immédiatement un numerus clausus aux étudiants voulant se former à ce nouveau
métier.
Chacun pouvait
pour une somme raisonnable vivre ses fantasmes les plus inavoués.
Le recul permet, à
ce jour, de savoir que la grande majorité de ceux qui testent le changement de
genre n’y font qu’une brève incursion mais aussi qu’ils en reviennent beaucoup
moins étrangers aux réactions de leur conjoint.
Les essayeurs de
genre sont devenus la bête noire des conseillers conjugaux.
Rien n’est
parfait.
Par Sylvie
Par Sylvie
Ma profession est
uranopictologue.
Mon emploi se situe dans le secteur de la santé.
Mon terrain de travail est le fond sur lequel on observe les
astres.
Mes outils sont de gigantesques pinceaux et de multiples
palettes de colorants spécifiques que je manie via mon ordinateur.
Mon emploi consiste à peintre des bouquets de ballons
multicolores dans le ciel.
Chaque gouache est destinée à une personne (enfant,
adolescent, adulte). Elle vient faire écho à ses manques, ses besoins primaires physiologiques ou affectifs.
Exemple, si un enfant ou un adulte est triste, seul. Il suffit qu’il lève les yeux,
regarde le ciel. Un bouquet de tendresse chamarré apparaîtra. Le camaïeu de ces
couleurs peintes comblera son vide affectif durant le temps qui lui est
nécessaire pour se l’approprier en l’intégrant à son maillage pulsionnel. Il en
est de même pour tous les types de dénuements.
Depuis la création de cet emploi, le mot chômage est tombé
en désuétude, car le monde emploie une kyrielle d’uranopictologues. Ce métier
merveilleux permet de rendre l’homme plus heureux, plus constructif. La vie est
devenue douce sur la planète terre.
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