Par Danièle
Je me souviens
qu'il était tard lorsque tu es rentré.
Je me souviens
que tu m'as dit de ne pas m'inquiéter, que tout irait bien.
Je me souviens
qu'une fois de plus, tu me mentais.
Je me souviens
avoir pleuré, seule, contre mon oreiller.
Je me souviens de
ta chaleur réconfortante, malgré tout.
Je me souviens
m'être dit de ne pas sombrer entre tes bras.
Je me souviens de
l'inutile de nos conversations, lesquelles devenaient polies et distantes.
Je me souviens
avoir réagi brutalement, ton visage se transformant en point d'interrogation.
Je me souviens de
la porte qui a claqué et du froid qui
m'a pénétrée.
Je me
souviens...que ma mémoire s'est effacée.
Par Saki
Je me
souviens du grand amphithéâtre de la Sorbonne. Non pas pour une rentrée
universitaire très officielle, ni pour une remise de diplôme de docteur honoris
causa, ni parmi les contestataires de mai 68 mais simplement pour le spectacle
de fin d’année des enfants des écoles du 5ème arrondissement où j’habitais.
J’avais 7 ans et je dansais, parmi d’autres, costumée en champignon, un superbe
parapluie recouvert de papier crépon rouge parsemé de pois blancs ouvert
au-dessus de ma tête.
Je me
souviens de celui que tout le village appelait « le zouave », un pauvre vieux
qui marchait souvent de travers à la
sortie de l’unique bistro. Peut-être dans une très ancienne vie avait-il été
militaire chez ces fantassins ?
Je me
souviens des levers avant le jour, en silence pour ne pas déranger ceux qui
partaient plus tard, du départ à la frontale, de l’arrivée du premier rayon de
soleil alors que nos avions déjà gravi plusieurs centaines de mètres et chaussé
les crampons. Il fallait absolument arriver au sommet avant que la chaleur ne
fasse fondre la neige.
Je me
souviens de la guerre de Corée, ou plutôt que j’entendais ces mots à la radio
et le voyais écrit dans les journaux. Je savais à peine que c’était un pays
mais ce nom ressemblait à celui d’un médicament que prenait ma mère, la «
coréine », et ça suffisait à m’inquiéter.
Je me
souviens de mon premier livre de lecture courante, comme on disait à l’époque
où j’étais enfant : « Claude et Antoinette à la maison forestière », moi, la
petite parisienne, je me régalais d’y découvrir la vie à la campagne, les arbres
et les champignons qu’Antoinette, la fille du garde forestier faisait découvrir
à Claude, petit citadin venu se refaire une santé dans la nature.
Je me
souviens de cette nuit passée dans une maison d’un village vietnamien, au
milieu des rizières en terrasses. Pendant que la maîtresse de maison préparait
le dîner, le très vieux grand-père, édenté et courbé en deux, trinquait avec
nous à l’alcool de riz en regardant un succédané de « questions pour un
champion » sur un antique téléviseur en noir et blanc.
Je me
souviens de la misère des taudis de certains quartiers, pourtant bien centraux
de Paris. On y vivait couramment à sept ou huit dans une seule pièce, le soir
des couchages de fortune sortaient de partout. Aujourd’hui ces familles ont
disparu, exilées dans des banlieues lointaines et la même surface rénovée sert
de résidence secondaire à des bobos fortunés.
Je me
souviens qu’on disait l’ombre des noyers malfaisante et qu’il ne fallait pas
s’y endormir. Je les ai longtemps contournés de loin. Aujourd’hui, je les
recherche au moment de la Saint-Jean pour faire mon vin de noix.
Je me
souviens avoir découvert, très jeune, le plaisir de dire des gros mots. Bien
évidemment je savais que c’était interdit, aussi, le soir, quand la lumière
était éteinte, les parents probablement couchés, je me tournais vers le mur et
prononçais à voix basse tous ceux que je connaissais, ce qui à cet âge ne
devaient guère dépasser zut et crotte.
Je me
souviens du chemin pour aller au lycée, talons hauts obtenus à force d’insistance
et carambar acheté chez le confiseur du coin de la rue.
Par Sylvie
Je me souviens de ces nuits particulières où blottie dans ce
lit, sous l’édredon rouge, le temps s’égrenait doucement ponctué tous les
quarts d’heure par le carillon de Westminster. Depuis, quand j’entends cette
fantaisie de quatre notes, je pense à eux, rassurée.
Je me souviens autour de cette grande table, les grands, les
petits, regardant l’œil brillant cette femme à la tenue sombre, au chignon
sévère, couper puis servir ce mets tant aimé de part son goût et la tendresse qu’elle mettait en nous le
cuisinant et en nous l’offrant. Depuis, quand je sens cette odeur, je pense à
elle et à ce cadeau si précieux qu’elle m’a transmis.
Je me souviens du bruit sourd que fit le cercueil quand ces
hommes le hissèrent dans le wagon et les sanglots de cette femme qui s’écroula dans
mes bras. Depuis, quand j’aperçois certains trains de marchandise, la tristesse
m’envahit.
Je me souviens de ses paroles quand je lui demandai de me
donner la main pour traverser la rue. Son regard alla de moi à sa main et elle
me dit : « Elle est à moi, je ne te la donnerai pas ! »
Depuis, je me garde bien d’utiliser ce verbe
et quand un enfant glisse sa main dans la mienne pour franchir une
chaussée, je pense à elle et je souris.
Au revoir…..
Très beau texte
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Très beau commentaire
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