vendredi 5 avril 2013

D’après la chanson d’Yves DUTHEIL, Avoir et être


« Bien qu’opposés de caractères

On pouvait les croire jumeaux
Tant leur histoire est singulière
Mais ces deux frères étaient rivaux »

De qui s’agit-il ?
 

Par Golem

Tous deux sont nés un 29 février. Il était pressé. Elle aurait bien attendu le lendemain pour ne pas se faire remarquer. Très vite, elle a compris qu’il y avait lui et qu’il y avait elle. Pour lui, le sein et le bon lait maternel ; pour elle, le lait de vache coupé d’eau dans le biberon coincé par un oreiller. Pour lui, les vêtements neufs : il grandit tellement vite ; pour elle, les pantalons trop larges ou trop courts, la mode s’en arrangera bien.
A l’école, il essaiera de l’égaliser, elle, la première en classe ; au sport, elle n’arrivera jamais à le dépasser, lui, le costaud ; lui le premier en piste, elle l’intello, la forte en thème.
Elle lui passe en douce ses devoirs ; il lui glisse quelque confiseries données par Maman.
Quand arrive l’âge de l’orientation, pour lui, naturellement, un certificat d’études primaires ; l’apprentissage et un métier au chantier naval : grand espoir de la population rochelaise.
Pour elle, après moult discussions, interventions du maire et de l’assistante sociale, une bourse - heureusement, on n’a pas les moyens ! - une place au collège. Seule condition, elle préparera quand même - tant pis pour le surcroît de travail, - le certificat d’études. Comme lui. Il lui prête ses livres, elle lui fait ses devoirs ; elle, la tête ; lui, les jambes : il brille dans tous les sports physiques ; elle, dans les sports cérébraux.
Enfin les examens. Ils partent ensemble. Au moment des résultats, on cherche celle qui est la première du département ; bizarre, elle est candidat libre.
Quelques instants plus tard, les explications fournies par l’ancienne maîtresse, félicitations, encyclopédie. Lui aussi est reçu honorablement, tout va bien. A lui la médaille autour du cou, à elle les diplômes sous le bras. Retour dans la famille. Maman se précipite sur lui. Il est reçu. Hourra ! Elle le prend par le bras, viens avec moi. A elle, elle n’a rien demandé. Ils reviennent tous deux, lui poussant un beau vélo rouge. Le soir lui et elle se rient de tout ça. Ils sont heureux l’un pour l’autre, elle pour lui.
Le papa ouvrier au chantier naval a trouvé un vieux vélo de la dernière guerre sans dynamo avec rétropédalage pour freiner, pneus pleins. Quelques feuilles de toile émeri plus tard, un peu de peinture donnée par le chef au travail de papa, elle aura un vélo vert, un peu marron, un peu bleu comme tous les navires de la compagnie, reconnaissables dans le monde entier.
Mais lui et elle ont chacun un vélo.


Par Krysia 
Marionnettiste

Elles étaient opposées de caractère.
On pouvait les croire jumelles,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces sœurs étaient en querelle.

L’une écrivait et traitait la gauche,
D’être comme un pied, bien maladroite.
A cela elle répliquait : « Tu es moche,
Le salut de ta poigne était bien moite ! »

Jusqu’au bout de leurs ongles manucurés,
Elles s’avéraient être sosies.
Mais sur la gamme et le clavier,
Chacune de leur côté, s’articulaient avec autonomie.

Pour attiser leur médisance,
L’une attirait un diamant,
Et l’autre exposait son alliance,
Preuve d’un amour déterminant.

La droite actionnait le couteau ; pas la fourchette.
La gauche tenait le pain, mais ne le tranchait pas.
Elle tenait la main d’une amourette,
Quand l’opposée faisait courir bébé à petits pas.

Ainsi se faisaient-elles la guerre,
Tout en serrant les poings,
Jusqu’à ce que rouge de colère,
Elles se lâchent enfin :

« Tu pues la cigarette !
- Le bleu de tes veines est proéminent !
- Mangeuse de tartelettes !
- Tu t’entends, casse mines ?

- Faut toujours que tu touches à tout !
- Imitatrice sans imagination !
- Tu es sale, tu vires au noir de partout !
- Tu tremblotes par pulsion ! »

L’une se lève pour frapper,
L’autre se protège et contre-attaque.
Le 3ème membre se tend à une insanité,
L’affrontement se termine en claques.

Plus je tentais de les dompter,
Plus elles faisaient de cabrioles.
De rire elles me faisaient pleurer,
Mais je n’eus pas le droit à la parole.

Un jour qu’elles étaient endiablées,
Mes mains entrèrent en transe,
Comme des pantins disloqués.
Je saisis ma chance :

Amusée par leur talent d’humoriste,
Avec l’une et l’autre je m’applaudis.
Surprises mes marionnettistes,
En firent une vocation de vie.

Sur scène elles sont montées,
Et forment le parfait tandem :
Des meilleures ennemies jurées,
Qui s’abonnent à leur haine.

Leurs défoulements eurent tant de succès,
Que, main dans la main,
Elles saluent leur public enchanté,
En promettant un lendemain.

Désormais, toujours en duo,
Elles reçoivent compliments et caresses.
Et leur amour reste un fiasco,
Pour notre plus grande allégresse.



Par Laurence 
Les frères ennemis

Tu es le lumineux       Je suis l’obscur
Tu es le vent               Je suis le feu
Tu es le rire                Je suis les larmes
Tu es le destin            Je suis la fatalité
Tu es le bien               Je suis le mal
Tu es le puissant         Je suis le soumis
Tu es la force              Je suis la faiblesse
Tu es la loyauté           Je suis la trahison
Tu es l’immédiat         Je suis l’éternité
Tu es l’imprévisible    Je suis l’attendu
Tu es la liberté            Je suis la prison
Tu es le principe         Je suis la fin
Tu es l’alpha               Je suis l’oméga

A la fois ami et ennemi
Nous sommes indissociables
L’un sans l’autre
Nous n’existons pas
Toi et Moi depuis la nuit des temps
Et pour toujours
Nous concrétisons la raison d’être
Au commencement était le Verbe
A la fin était encore le Verbe :
Vivre et Mourir


Par Simone 
Les Jumeaux

Ismaël et Israël
Samson et Goliath
Dupond et Dupont
Hollande et Sarkozy
Lesquels nous intéressent le plus ?
Les derniers peut-être, car ils sont plus proches de notre époque.
Sarkozy, ce petit chef, toujours désireux de décider de tout. Sarkozy, toujours numéro 1, l’épée à la main.
Hollande, calme, paisible, « pépère », devenu chef des armées.
Leur similitude : une côte de popularité en hausse au début de leur quinquennat, puis de plus en plus descendante.
Pour l’un, comme pour l’autre, une réforme par-ci, une réforme par-là, l’envie de plaire et de réussir. Mais ni l’un, ni l’autre n’a réussi…
Ceci dit, à leur place, auriez-vous réussi ?...


1 commentaire:

  1. Merci à Golem pour ce texte où la tendresse est plus forte que les différences,à Krysta et ses astucieuses marionnettes en vers rimés qui tiennent bien la distance, à Laurence pour ce très beau poème d'où le pathos est exclu mais pas la sensibilité et à Simone pour ce texte à l'humour un peu amer.
    Saki

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