vendredi 24 mai 2013

Pourquoi vous êtes-vous inscrite à l’atelier d’écriture ?



Par Golem

Comme François, je me définis d’abord par mon profil professionnel, assez semblable au sien.
Bien servie par les bonnes fées, j’ai cumulé trois fois deux années d’études et me suis frottée tôt au milieu du travail avant de reprendre des études universitaires. J’ai écrit quelques poèmes -publiés -, réalisé quelques tableaux – exposés -, mais j’avais arrêté toutes expressions artistiques.
Avec cet atelier, j’ai voulu me prouver que j’étais encore « capable de m’échapper, de me mettre hors du temps ».
Je partage aussi les sentiments de Martine. Je veux écrire comme je veux aller vers d’autres pas à pas, sans faire de bruit et les bras grands ouverts.
 


Par Krysia

Prendre du temps pour me défouler de mes rêves. Partager mes idées, séduire, offrir, constituer un fan club restreint. Laisser une trace à des êtres choisis ou qui m’aiment.

Le monde carcéral est le meilleur défouloir pour mon imagination : s’évader avec l’esprit et construire avec mes souvenirs et mes fantasmes. Coucher sur un papier tout ce qui se passe dans le conscient et l’inconscient. Donner une vie visible, lisible à ce que ressentent mes tripes : mes joies, mes colères, mon amour et mes déceptions. Oui je l’ai bien exprimé : un amour pour beaucoup de déceptions !
En tant que détenue, j’ai un petit quelque chose d’indispensable dont les autres manquent : le temps !
Alors quand un atelier d’écriture s’installe, je m’étale avec lui.

Prendre le temps :

S’essouffler après les bus et les trains ou s’énerver dans les embouteillages ; s’activer des heures durant à la popote pour des grognons qui avaleront devant la télé ou avant et après leurs clopes puantes ; se muscler au ménage et au repassage assidûment, éternellement ; s’épuiser dans des scènes d’amour pour des futilités : bien que tout cela aille de pair avec la liberté, non cela ne me fait pas rêver ! Où reste-il du temps pour griffonner dans tout cela ? Cette pause bénéfique qui me fait tant de bien, qui me donne envie de sourire, de rire avec éclat et insouciance. Prendre le temps de rêver et d’écrire c’est psychique et physique. Il y a tant de barrières dans la tête et le cœur des gens « libres » ! Nous sommes des chevaux au galop qui ne prenons pas le temps de s’hydrater, seulement de mourir, sans vraiment vivre !

Partager, séduire :

Ecrire pour vivre plus intensément, être heureuse, exprimer ma folie ou mon sérieux.
Quelle belle émotion que celle d’un aimé découvrant ma déclaration ! Un poème composé à son attention, le rendant spécial. Etre lue, appréciée ? Vous laissez-vous infiltrer dans mon univers pour me ressentir et me comprendre peut-être ? Puis dans un échange, pénétrer dans le vôtre, comme on entre dans un autre monde.
Etre appréciée, voir glorifiée pour ma vision des choses, pour la façon dont je l’exprime. Chercher l’être différent, complémentaire pour aller plus loin mais dans la même direction ! Me sentir fière lorsque le nombre des admirateurs s’accroît, me réclame. Donner de ma personne pour le plaisir d’un sourire, d’un soupir, pour celui qui ne sait pas s’exprimer.

Laisser une trace :

Parce que je suis beaucoup de choses simples mais pas banales ! Jamais superficielle ou dans l’à-peu-près ; parfois amoureuse, contagieuse dans ma joie ; souvent sérieuse, méticuleuse et toujours imaginative en me déconnectant parfois de la réalité. Quel soulagement alors de pouvoir le retranscrire !
Qui se souviendrait de qui je suis si je ne consignais rien ? Lire n’est pas mon osmose, mais pour écrire je glisse sur la feuille sans problème ni tabou, ou plutôt je pianote sur le clavier.
On m’accuse d’être introvertie ! L’écriture semble être un remède de bon aloi.
Puis-je laisser une empreinte indélébile dans ce monde ? Non, je n’en ai pas le talent, ni la prétention ! Je suis de celles qui préfèrent être une lampe dans la maison plutôt qu’une étoile au firmament.

S’exprimer avec des consonnes et des voyelles pour obtenir les mots justement choisis, des phrases poignantes et utiles, des pages qui émerveillent de toutes les manières qui soient, c’est entièrement moi.

Je constate encore une fois que je me suis bien étalée sur mon sujet. Mais après tout, si je me suis inscrite à l’atelier d’écriture, c’est parce que j’aime écrire !


Par Laurence

            Un jour, sur un mur, une affiche nous invitant à participer à un atelier d’écriture animé par Joëlle Cuvillez écrivain. Ma lettre de candidature a été rédigée dans les minutes qui suivirent. Cet atelier était pour moi une découverte, une évidence, une nécessité, un plaisir.

D’un esprit curieux, j’ai aimé l’idée d’être accompagnée par un écrivain guide, dans cette toute première expérience d’écriture collective, qui pouvait trouver une résonnance au-delà des murs.
Curiosité de découvrir, tout autrement et peut-être plus en profondeur des femmes que je côtoie dans mon quotidien depuis plusieurs mois et d’échanger différemment dans une intimité choisie et non plus imposée.
Intérêt de connaitre d’autres styles d’écriture que ceux de mes auteurs favoris et surtout partager la diversité de nos sensibilités.

Une évidence, si enfant je fuyais devant la bibliothèque rose et verte, le Club des Cinq et autres préférant vivre l’aventure plutôt que de la lire. Je suis tombée, toutefois, dans la marmite d’Astérix (oups celle d’Obélix) les aventures de Tintin me faisaient voyager et je riais aux gaffes de Gaston. C’est à l’adolescence découvrant Zola et Maupassant que l’addiction est née, la passion de lire ne m’a plus quittée, je lui suis restée fidèle.
Puis, dans ma vie d’avant, les mots étaient mon domaine : écouter, entendre, analyser, comprendre, réfléchir, appliquer la règle, innover puis rédiger des notes, des correspondances, des rapports, des requêtes, des conclusions avec un souci, le choix des mots, du mot juste, celui qui peut tout faire basculer.
Les mots du plus loin que je me souvienne ont toujours eu une présence, une vie, une place importante dans mon existence.

Les livres où les mots ne cessent de courir ont été dans ces  maisons « closes » mes compagnons les plus sincères.
Tous les jours, je me levais pour eux, les prêtant à l’une les recevant de l’autre, les classant, les conseillant lorsque la question était posée. L’écriture, ici, a pris un tout autre sens. Ecrire pour ne pas sombrer dans la folie, ne pas basculer, dire les maux avec les mots, se raconter derrière les mots avec pudeur ou impudeur, humour ou tristesse, livrer un peu de soi, de son authenticité, oublier le numéro à côté de son nom, écrire les mots pour continuer d’exister.
L’écriture une nécessité comme une force vitale.

Puis il y a le plaisir, le goût du mot, son chant, son architecture, sa force et sa faiblesse. Le mot qui dit réellement ce que j’ai envie de livrer de ma vie derrière les barreaux.
Egalement le plaisir d’être guidée par un écrivain et accompagnée par ceux qui me lisent à l’extérieur, me donnant le sentiment d’ETRE, un maillon d’une chaîne, ne plus être l’exclue de la société.
Enfin, le plaisir de recevoir un peu comme un cadeau la part d’humanité que les autres de l’intérieur et l’extérieur m’offrent en participant à cet atelier.


Par Valérie

J’ai un projet, alors :
Projet = opportunité d’y accéder - cependant, ça allait de soi une thérapie accompagnant une remise à niveau de notre vocabulaire – c’est l’apothéose.
Un autre paramètre m’a séduite. Je fais de la peinture et à chaque fois je construis une histoire. Ceci avec des couleurs, du bleu pastel de ma mélancolie au rouge flamboyant de ma rage de survivre. Cela fait effet miroir. Dans cette peinture, qu’est-ce que j’écris ? Qu’est-ce que je peins sur cet écrit ?
Le faire en groupe donne en plus une forme de challenge et j’aime ça. Un leitmotiv pour s’exprimer, se perfectionner, apprendre. Donc je n’hésite pas à échanger mon pinceau contre la plume.




Commentaire aux textes des participants de l’Astrolabe expliquant les raisons de leur participation à cette correspondance intérieur/extérieur sur le blog leslucarnes.



Par Krysia

                                                                                         
Grégoire,

Parce que les coïncidences existent, je pense aussi qu’elles nous choisissent.
Si j’avais lu le 1er texte de la 1ère feuille, je répondrais à une autre personne que vous.
Oui, mais voilà ! Ces 1ères lignes étaient courtes, trop pour que j’ai le sentiment que la personne se soit investie, alors, sans réfléchir, j’ai lu le 2ème texte, le vôtre.
Vous avez commencé votre rédaction en écrivant le sujet. Moi aussi j’affiche toujours en en-tête le thème pour éviter le hors sujet.
Et puis, j’ai aimé votre reprise de Pierre Reverdy, très réaliste !
Je me permets de répondre à votre question : oui l’atelier va transformer votre vie, comme il stimule et fascine la mienne, occupe mon temps sereinement, de façon libératoire.
Lucarne : lampe à huile
La lumière vient de l’intérieur pour l’extérieur comme la lumière vient d’entre nos murs pour le monde « normal », mais elle vient aussi de ce qui brûle en nous pour s’exprimer sur le papier, ce qui nous fera partager un moment délicieux. Merci de m’avoir permis de vous imaginer à travers vos quelques lignes.


Par Laurence

Merci d’être venue vers nous, vers moi à travers vos mots comme un cadeau. La rencontre des mots ou de l’inconnu de la rue a aussi pour moi la même résonance.
Il faut aimer les mots pour donner du sens à la vie et peut-être que l’amour des mots, du beau mot, du mot texte permet de mieux connaître l’autre.
Les mots sont hors du temps et plus encore derrière des murs. Ils sont là pour nous deux dans cet échange CLAIRE et spontané si vous le souhaitez.


Par Loubna

L’atelier d’écriture est également pour moi un défi et une belle aventure car je ne suis pas très bonne à l’écrit et par ces textes, je veux jouer avec les mots pour combattre mes maux. Me découvrir en découvrant autrui. Apprendre la vie à travers les textes écrits par les autres.


Par Shinez

Comme je me retrouve un peu dans chacune de vos motivations.
Celle de créer des liens, de se découvrir les uns, les autres.
Oser exprimer ses émotions de diverses façons.
Les mots sont un exutoire une fois couchés sur le papier, cela permet de relativiser, de prendre du recul. D’échapper au quotidien dans sa bulle. S’enrichir des expériences de chacun. Jouer avec les mots, étoffer son vocabulaire. Mais pour moi les mots prennent leur signification, leur ampleur quand les actes suivent.
De formuler ses sentiments, les mots sont du miel quand ils sont sincères. Quelle jouissance cela distille quand les mots ont procuré une sensation, un émoi.
Les mots favorisent la réflexion, l’introspection, l’échange, se révéler à soi, se trouver.


Par Valérie

Mme Danielle F.,

Associer la musique à l’écriture me touche, car pour moi tous les arts accompagnent l’écriture. Je l’associe personnellement à la peinture, au travail des ombres et des lumières ou plus familièrement dans les plaisirs de la table : un bon vin accompagne de bons mets. Quand le sol se dérobe sous vos pas, je me permets de voir une ressemblance avec mon état de transe. Le monde n’existe pas autour de moi. Comme si j’avais ingurgité une drogue.
Merci à vous de tenter la même aventure. Sans omettre le coaching indispensable.


Vous êtes éditeur. Vous venez de recevoir un gros manuscrit - la Bible, les Lettres de mon moulin, Belle du Seigneur, etc. – Justifiez votre refus par courrier.




Par Golem

Monsieur,

J’ai d’abord cru que par erreur vous m’aviez envoyé le texte d’un élève de CM1. Mais en lisant la fin de votre manuscrit, j’ai regretté que cela n’ait pas été le cas. Eux au moins ont de l’humour, ne sont pas pédants ou prétentieux. Vous voudrez bien revoir votre copie, pardon, votre texte, rien ne peut être gardé.
Avec mes encouragements pour mieux faire.


Par Krysia

An de grâce 1897

Moussu* Alphonse DAUDET,

Je reçois ce jour votre manuscrit intitulé : « Les Lettres de mon moulin ».
Sachez tout d’abord que je n’adhère pas au choix de votre titre. Les moulins broient le blé pour la confection de la farine, pétrissent du pain et peuvent éventuellement servir de point de vente en boulangerie et viennoiseries, mais en aucun cas, un moulin n’écrit des lettres et encore moins des histoires pour enfants !
Pour me faire à l’idée de votre style, j’ai pris au hasard une histoire que je me suis forcé à lire entièrement : « La chèvre de M. Seguin ». Quelle déception !
N’avez-vous pas l’impression d’un grossier décalquage du « Petit Chaperon Rouge » de Charles Perrault ? Vous me donnez l’impression d’avoir manqué l’évolution des deux siècles qui nous séparent de ce talentueux auteur ! Le choix de votre titre me semble bien naïf. Au lieu d’une chèvre pour héroïne, vous auriez dû, avec le prénom Blanquette, choisir un veau !
J’interprète avec aisance le parallèle que vous avez fait avec une adolescente qui veut quitter le confort douillet et la sécurité rassurante de ses parents pour l’indépendance, l’aventure et la liberté. Mais toutes nos jeunes filles ne sont pas libidineuses** !
Je comprends aussi la métaphore du père qui ne comprend pas sa fille, le combat de celle-ci contre l’autorité sanglée et le courage pour affronter la cruauté du monde, quitte à en mourir.   Ne croyez-vous pas qu’en vous lisant, les enfants s’angoisseront en reconnaissant leurs propres défauts, en découvrant grâce à vous la banalité de leur existence? 
Vous avez évoqué une idylle d’une heure ou deux avec un bouc noir et une vie destinée à finir dans la souffrance. Vous voulez donc provoquer une incitation au suicide de nos jouvenceaux avec votre récit ? Que laissez-vous entendre ? Que doivent rester chez eux « l’âne et le bœuf » ? Que toute vie hors du foyer familial est vouée à l’échec ?
Comprenez, Moussu Seguin, que je peux pas, en mon âme et conscience, publier une opinion pareille. Il n’est vraiment pas raisonnable de mettre toute la population mineure en danger pour vous octroyer le simple plaisir de ne pas faire du pain dans votre moulin.
Je vous suggère vivement de revoir la conception de votre roue et de votre meule afin de revenir ultérieurement avec des écrits moins dangereux pour la société.

Recevez mes salutations,

Honorat LAGAFFE
Editeur


*« Moussu »  était au 19ème siècle la façon de dire « Monsieur »
** « Libidineuses » : impudiques, libertines, indécentes, dévergondées.


Par Laurence
Editions du Feuil
27 rue Jacob
Paris 6ème

Jean BARDOT
Editeur
Monsieur Albert COHEN
55 Quai du Rhône
Genève – SUISSE

Paris, le 8 avril 1968
Cher Monsieur

            J’ai lu avec beaucoup d’attention votre dernier tapuscrit La Belle du Seigneur
Il a été déposé par porteur spécial à mon secrétariat le poids de l’ouvrage, un kilo à minima a dû vous dissuader de l’adresser par la poste, pourtant le franc suisse se porte bien en ce moment.
Aimant lire à haute voix j’ai consacré toutes mes soirées de la semaine à vos personnages Solal et Ariane installé confortablement dans un fauteuil car votre monument ne se transporte pas facilement De ma carrière d’éditeur j’avoue ne jamais avoir reçu et lu, car je l’ai bien lu, un texte de 1110 pages un pavé aussi pesant au sens propre comme au sens figuré 1110 feuillets 110 chapitres pour narrer l’histoire d’amour de la Belle du Seigneur je devrais dire de la Belle et de son Seigneur
Votre roman aurait pu tout aussi bien s’appeler « Le livre de l’amour » Vous ne nous épargnez aucun poncif de l’amour malheureux, cette passion morbide d’Ariane et Solal se distingue peu de celles de Tristan et Iseult, Roméo et Juliette j’ai même retrouvé le machiavélisme de Valmont  de Les Liaisons dangereuses ainsi que tous les artifices et les pièges de Don Juan, vous avez même parfois flirté avec Feydeau
En vous lisant je pensais également à Marcel Proust par la longueur de vos descriptions les sensations présentes mélangées aux souvenirs Certes votre récit est entrecoupé de phrases très courtes et de dialogue mais ceci reste somme toute très classique
Puis on aborde le chapitre 18 avec un certain intérêt il s’agit de la conquête d’Ariane par Solal mais là vous m’avez surpris j’ai failli manquer d’air une seule et même phrase de 13 pages sans aucune ponctuation du jamais lu dans ma vie d’éditeur et vous savez que j’ai quelques années de lecture à mon actif Surpris par cette écriture peu académique j’ai pensé qu’il s’agissait d’un oubli voire d’une lubie d’écrivain J’ai même pensé que la touche de votre machine à écrire était restée bloquée
Mais pas du tout vous recommencez au chapitre 70 une seule et unique phrase de 17 pages pardonnez-moi mais je n’ai pas eu le courage de compter les mots qui la compose (je crois que j’en aurais perdu mon calculus) Heureusement que quelques virgules venaient soulager la voix du pauvre lecteur que j’étais totalement sidéré par ce procédé littéraire j’ai continué me demandant si la lecture en apnée serait mon lot et bien oui vous nous faites replonger dans un abîme de mots qui s’enchaînent se déchaînent au chapitre 94 avec cette phrase de 33 pages sans un seul point  un petit point juste pour respirer voire un point d’exclamation ou mieux d’interrogation non, rien, point de point dans ce chapitre
J’aimais la prose avant de vous lire Monsieur Cohen je lui vouais un culte suprême mais je vais très certainement me tourner vers la poésie les haïkus sont très en vogue en ce moment
Vous pensiez écrire sur l’amour sublimé je pense que vous avez fait fausse route en faisant de votre héroïne une pauvre petite chose sous la coupe de la perversité psychologique de son amant beau, cynique manipulateur même les larmes de cette amoureuse vous les rendez ridicules la vision que vous avez de l’amour et plus encore de la femme aurait mérité que vous l’évoquiez il y a quelques années de cela avec votre ami Sigmund Freud, ce grand monsieur vous aurait très certainement invité à vous étendre sur son divan Vous aurez compris toutes mes réserves à la publication de votre dernier ouvrage je ne suis ni interventionniste ni chirurgien esthétique les Editions du FEUIL ne vous éditeront pas
Non seulement votre roman est à contre-courant de ceux qui sont actuellement publiés mais encore dans la quiétude de votre belle Suisse vous ignorez sans doute que la France gronde, gronde de colère les étudiants se révoltent le féminisme explose tout comme l’écologie
D’ici peu, je vous le prédis, nous lirons sur les murs « Il est interdit d’interdire » la société française bouge depuis que Simone de Beauvoir a écrit Le deuxième sexe son livre est devenu la référence du mouvement féministe le rôle de la femme a évolué  bientôt elles feront ce qu’elles veulent de leur corps de leur liberté Vous pensez bien que la belle Ariane soumise aux caprices de son tourmenteur au nom de l’amour n’aura que très peu d’écho et donc peu de succès auprès des lectrices
Vous avez fait de votre héroïne une petite chose aveuglée manipulée fade soumise à la toute-puissance de son amant jusqu’à cette fin funeste des deux amants cet adieu empoisonné et empoisonnant pour le lecteur
J’aurais aimé lire que la femme est l’avenir de l’homme qu’une femme amoureuse en vaut cent que par sa puissance sexuelle et son intelligence du cœur elle peut faire de l’homme son égal
Non point de tout cela (pardonnez-moi ce mauvais jeu de mot) entre l’ultra narcissisme des deux amants et cette issue fatale votre roman ne s’inscrit pas dans l’air du temps

Croyez que je n’ai aucune envie de voir des féministes prendre d’assaut ma maison d’édition pour avoir publié ce brûlot Pensez encore aux écologistes qui pourraient occuper mes bureaux manifestant ainsi contre la déforestation de l’Amazonie car il en faut de la pâte à papier pour éditer 1110 pages.
J’espère que vous comprendrez ces considérations très matérielles
Ce roman cher Monsieur Cohen sans vouloir vous blesser si vous arrivez un jour à le faire publier n’aura jamais sa place dans le panthéon de la littérature amoureuse
Pour conclure cette longue missive je vous dirais il faut du souffle pour vous lire Monsieur Cohen pour suivre et comprendre cette triste et pathétique histoire
Si Belle du Seigneur est la tragédie de l’amour absolu le roman si je le publiais serait une véritable tragédie pour les Editions du FEUIL
Vous ne m’en voudrez pas de ne pas avoir ponctué ma réponse caprice d’éditeur sans doute

Veuillez croire cher Monsieur à toute ma sympathie en vue du parcours du combattant qui vous attend avec Belle du Seigneur

Jean Bardot


Par Valérie



Le 17 mai 2013

Objet : demande de publication du manuscrit la Bible


Madame,

Suite à votre courrier, je réponds à votre offre non sans fierté. La société « Editplus » que je représente aurait pu être séduite, mais, suivant certaines règles de déontologie, nous ne soignons pas les mêmes mots que nos confrères. Un autre paramètre m’en empêche, la théologie ne fait pas partie des écrits que je mets en avant. Je privilégie plutôt les futurs prix Goncourt. Comme si l’on proposait du Hachette à Gallimard. Je serais très heureuse d’éditer des recueils ou romans qui se trouveraient dans mes cordes et je vous souhaite une bonne continuation dans votre recherche d’édition.

Cordialement,

                                                                                              Mme Untel.